J'ai abandonné la place je sais.
Je ne suis pas de retour pour annoncer une bonne nouvelle. Plutôt un putain de gros enlisement.
Les préocupations familiales façonnent le monde et je suis exclue de cette marche là. Ma mère, mon père, que je voyais tous les WE ou presque avant cette tragédie ont développé au fil des ans une sorte de distance et un truc bizarre est apparu dans leur yeux. Je les fais bien souffrir ces deux là, qui doivent offrir une place - légitime - à mon frère, ma belle soeur et leur premier petit fiston sans me blesser. S'ils m'invitent je souffre, s'ils ne m'invitent pas je souffre. Elle me dit "on peut pleurer ensemble", mais moi - orgeuilleuse, jalouse et rancunière - je ne tiens pas compte de son offre. Je crois que je leur fais peur.
Dans son dernier livre, François Bégaudiot parle d'un secret longtemps gardé dont il se rend compte qu'il a sans doute organisé sa vie à son insu. Il se rend comte qu'il est prêt à en parler, que cela devient incontournable. Je n'ai pas lu son livre, mais moi aussi ces derniers mois je viens de comprendre un truc capital. Un truc qui pollue ma vie depuis quinze ans et qui a déterminé tout le tas de noeud dans lequel je me suis enlacée bien généreusement.
A l'âge de 17 ans, j'ai développé une maladie auto-immune qui a touché mes reins. Cette maladie aurait pu glisser vers un truc nettement plus grave, disont le mot, mortel. Comme je suis encore parmi vous à me lamenter et à faire chier mon monde c'est que cela n'a pas eu lieu. J'ai toujours des lésions au reins, et en plus il faut que je les fasse surveiller régulièrement évidement. Trois ans après cet épisode ( qui ne m'a pas arraché une seule larme de détresse ou encore de peur à l'époque...) je retourne voir La doc qui m'avait fait hospitalisée deux ans plus tôt, pour un simple contrôle, et là, elle me parle de la pilule ( en effet j'avais l'âge recquis ). Pilule pas pilule ? Elle appelle devant moi Le spécialiste des reins ( néphrologue pour ceux que ça intéresse ) et lui fait part de ses doutes. Le doc au téléphone lui demande si j'ai des gosses. Non elle n'a pas d'enfant ( en effet elle voudrait prendre la pilule ). Le doc au téléphone dit alors un truc à La doc que je sens assez conséquent vu la tête de La doc face à moi. "Oui, oui, d'accord. Très bien". Elle racroche et devant mes yeux suppliants elle commence à traduire : " Si vous tombez enceinte, il faudra que vous vous fassiez suivre car juste après l'accouchement, la maladie risque de revenir. La chute brutale des hormones après l'accouchement peut réactiver la maladie. C'est pour éviter cela qu'il ne vous conseille pas de prendre la pilule, pour ne pas tenter le diable". S'en suit une discussion " pour vous cela sera capote, ha ha ha " et où surtout je lui fait répéter mot à mot ses propos pour être certaine de ce qui se passait là : j'étais venue dans son cabinet certaine de ma rémission, ses questions en début d'entretien sur ma sexualité et l'opportunité de la pilule m'avait même flattée, gonfflée. J'appris ce jour que ma maladie restait en complète potentialité d'action, et que même elle m'attendait sagement pour me sauter à la gueule le plus beau jour de ma vie, celui où je tiendrai bb dans mes bras. Je suis sortie peu fière de ce rendez vous, j'y ai laissé toute ma candeur et ma foi dans l'avenir.
Entre temps j'ai trouvé mieux que la capote et que la pilule juxtaposées: des spermatos pourris.
Notre dernier rendez-vous pma n'étais pas fameux. J'ai une tendance à entretenir les rendez-vous médicaux flippants, c'est pour pas être trop déçue. Le doc à dit, c'est pas normal que les dix embryons n'aient pas accroché. Vous allez faire un bilan implantatoire à J20. Si votre muqueuse n'est pas assez bien ( dans 20% des cas c'est une cause de décrochage ) on vous donnera un traitement pour les prochains tec. Et puis si ça ne marche toujours pas, ils prévoient de nous faire cobaye pour la fiv 4. Leur centre est le premier à analyser génétiquement les embryons en retirant le globule polaire des embryons fabriqués pour observer son contenu et déterminer la fiabilité du matériel génétique de l'embryon et donc ses chances de survie. Cela me parait grandiose comme plan flippant. Je progresse de jour en jour.
J'ai prévu de faire la démarche que j'aurai du faire depuis bien longtemps à savoir, "dite moi si le risque de récidive de ma maladie est grand ou pas", et plein d'autres questions pour savoir si vraiment le diable est tenté par moi. Je vais donc rencontrer, enfin, une néphrologue spécialisée dans les grossesses à risque.
Pour essayer de conjurer l'oracle.